Et ta soeur ?
Toujours soucieux de faire fonctionner mes petites cellules grises et de repousser l'échéance d'un Alzheimer qui ne dit pas son
nom, vu qu'on l'a déjà oublié, j'ai pris l'habitude de faire, pendant ma pause miam-miam du midi ou approchant, quelques grilles de mots croisés. Cette saine occupation est venue de mon fidèle
binôme qui ramenait un Metro (le journal gratuit !) au boulot tous les matins. Comme nous commencions notre dure journée de labeur à 8h45 et que ce petit chat se pointait en ville à 6h30
du matin (j'exagère à peine), il fallait bien qu'il s'occupe dans le petit rade à poivrots bistrot où il avalait ses petits "café-verre
d'eau" quotidiens. Une fois sur deux, j'avais un article du-dit journal étalé sur mon bureau lorsque j'arrivais, article qui avait tapé dans son oeil et/ou qu'il jugeait susceptible de
m'intéresser, voir de m'interpeller (souvent violemment). Outre de lire le journal, et comme il avait des heures à attendre, pour se changer les idées des discours et conversations de bar qu'il
subissait dès potron-minet, il entamait... la grille de mots croisés ! Ho ! Vous suivez ou pas ?
Bref, quand venait la collation de midi, nous finîmes par nous passionner de ce casse-tête quotidien où mon cher binôme avait
vaillamment noirci quelques cases, en majorité à moitié fausses. Comme on dit : les mots croisés, c'est mieux à deux ! Seulement voilà, lui désormais parti, mes pauses repas n'avaient plus
intellectuellement le même goût (comme le reste de mon boulot, soit dit en passant !).
Et puis, un beau midi, un collègue qui bosse dans notre réserve et avec qui je collationne assez régulièrement, a eu l'idée de
génie de s'attaquer à une grille de chez Metro (le journal gratuit ! Vous avez la tête où aujourd'hui ?). Et, cahin-cahan, le remplissage de grilles a recommencé pour se poursuivre à
travers le site officiel de Metro (le journal... Vous allez en prendre une, vous le savez ça ?). L'avantage du site est qu'il propose toutes les grilles du jour et des jours précédents,
permettant de fouiller dans les archives si nos cerveaux unis faisaient flancher la grille quotidienne. A force, étant donné que la réserve se trouve à l'arrière du magasin, lieu de rencontres
fortuites pour salariés n'ayant pas envie de bosser, tout le personnel a fini par se retrouver, de façon plus ou moins prononcé, à participer. Quand je dis "tout le personnel", je parle de
façon très camarade : pour certains, les mots croisés restent un concept aussi mystérieux que les crops-circles. Bref, aussi bien pour me détendre la tête et/ou par pur plaisir de faire
travailler mes méninges, quand je ne "pause" pas en même temps que mon collègue, j'attaque seul comme un grand une petite grille. Une manière comme une autre, quand on la termine en une durée
acceptable, de se dire qu'on n'est pas si con, finalement.
Et c'est donc pendant que je mangeai mon bagel de chez Emilie's Cookies
(suivi de mon Muffin au nutella) tout en réfléchissant aux définitions tordues de ma grille journalière, un collègue passe derrière moi, survole l'écran des yeux et se met à "chanter" : "Metro,
c'est trop !". Je le regarde et, ne sachant pas si son exclamation attendait une réponse de ma part, je lance : "Téléphone ?". Ma réponse le sèche net : "Bravooo ! Je suis
surpris... Tu sais, ça me surprend ce que tu connais..." Et il s'en va !
Alors, mettons les choses au point.
Je suis introverti, suffisamment stupidement fier pour ne pas changer d'avis même si j'ai tort et uniquement par excès
d'orgueil, je suis grande gueule, hyper-émotif, incapable de dire à la fille que j'aime que je l'aime, incapable d'avouer un sentiment clair, je mets des nuits à prendre une décision, je n'ai pas
de patience, je me colèrise facilement et physiquement (ce qui entraîne des blessures mineures diverses), je n'ai aucune fierté, dignité ou estime personnelle, je suis un couard, un pleutre et un
déserteur, je ne pense qu'à moi, je suis laid, sale, physiquement ingrat, suffisamment dégoûté de ma personne pour ne pas y prêter attention quand je la croise dans la rue (subtil passage
lynchien), j'ai horreur qu'on me mette une laisse, je ne supporte pas les compromis alors que j'en fais sciemment tous les jours, je ne suis pas fiable, je suis entêté, borné, têtu, lâcheur,
psychologiquement faible et épuisé, je suis dépressif, lunatique, pessimiste, borderline, j'ai abandonné toute volonté de croire en l'Autre, à l'Humain ou à tout autre cafard parlant qui a
le malheur de fouler cette pauvre planète, je suis désespéré par absolument TOUT, tout le monde me gonfle, me file la migraine et me donne envie de partir habiter sur Mars, je crois que tout le
monde est névrosé, psychotique, abruti congénital, stupide et prétentieux comme moi, je suis arrogant, supérieur, moqueur, grossier, incapable de quoi que ce soit et je vous emmerde.
Tout ce que vous pouvez dire sur moi, je l'accepte. Votre opinion a autant de valeur que la mienne, quelle qu'elle
soit.
Mais s'il y a bien une chose que je n'accepte pas, c'est qu'on me traite de crétin. Qu'on sous-entende que je suis un crétin.
Qu'on suppose que je suis un crétin. Je n'ai peut-être aucune valeur à vos yeux, ou même aux miens, mais s'il y a une chose dont je suis fier, c'est de ma culture. Ce que j'ai appris, ce que j'ai
écouté, ce que j'ai vu, ce que j'ai lu... Ma base, , je l'ai construite tout seul. Ma curiosité m'a poussé des salles de cinéma aux disquaires, des jeux vidéos aux livres... la lecture
assidu de magazines, la volonté de découvrir par moi-même et pas d'attendre que ça me tombe dans le bec... voir Old Boy dans une salle minuscule avec 3 autres personnes (2 séances par
jour, Grand Prix à l'appui, fallait pas le louper !), Lost Highway (pareil !) ou American Psycho (on était deux !). Regarder, écouter, lire et ne pas se donner de limites,
voilà ce qui a bâti mon savoir. Aller de Melancholia ou Tree Of Life à Expendables et Avengers. Écouter les Fatals Picards et Behemoth. Lire
Ellroy et Hunger Games. Savoir, trier, apprendre, critiquer, soupeser... Et même si je revendique le droit à être encore un crétin ignare qui ne demande qu'à apprendre constamment,
mon bagage culturel est suffisamment important pour que vous baissiez les yeux quand je l'ouvre...
Alors, ton Metro, ton Téléphone, tes connaissances en carton et ta condescendance, tu te les colles
dans le fion et tu vas apprendre à apprendre !
Et je t'emmerde !
Bonne nuit...
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