Perception, le retour de la suite (avec des dents !)
En plus du Canard Enchaîné, je lis Charlie Hebdo. Pas régulièrement, de façon épisodique. Et parmi les choses qui me
plaisent dans Charlie (hormis les dessins de Luz), les éditos de Philippe Val ont une place de choix.
Pour moi, Val était un rigolo. Découvert dans un extrait de spectacle lors de la défunte La5 (qui s'en souvient ?) avec son partenaire d'alors, Font (il est devenu quoi lui ? Il est soigné
maintenant ?), j'avais gardé à l'esprit un couple de comiques assez crus. Plus tard (mais alors, beaucoup plus tard !), j'ai appris que Val était Rédacteur en chef de Charlie. Ce qui ne
m'a pas étonné. Comme apprendre que Albert Algoud dirige Fluide Glacial. Toute une génération de rigolos, ça. Et puis les unes de Charlie valent toujours le coup d'oeil.
Le choc a été lorsque j'ai vu Val dans une émission télé. Je crois qu'il s'agissait du Grand Journal et il y était invité avec Catherine Nay et Alain Duhamel. Et là, alors que je
m'attendais à me taper sur les cuisses en attendant à ce que Val nous sorte quelques bonnes vannes, j'ai déchanté. En fait, Duhamel fut plus marrant. Intrigué, je me suis alors penché sur le
sujet.
Surprise ! En survolant ses ouvrages (je vous conseille d'ailleurs Traité de Savoir Survivre par Temps Obscurs), en lisant ses éditos, je me suis rendu compte que l'image de
comique que j'avais de Val était fausse. Val n'est pas la moitié d'un con. Val est méchamment cultivé et intelligent. Mais Val est un être humain, donc ses éditos sont partisans et (souvent)
assez mégalos. Mais, comme ils sont charpentés et écrits avec sincérité, j'accepte sans problèmes la contradiction car elle me pousse à la réflexion.
Pourquoi je vous raconte tout ça ? J'y arrive, bande de petits impatients. Hier je suis allé manger chez un couple d'amis qui a deux enfants. Je les connais par mon boulot. Bref, là où le
petit dernier (11 mois) a fait preuve d'un stoïcisme et d'un calme presque inquiétant, le plus grand (4 ans et demi) a été raccord avec son âge. Je ne veux pas l'accabler (j'étais
pareil à son âge) mais essayez d'imaginer un chat que vous mettez dans une machine à laver... Vous voyez ? Ben là pareil, sauf que c'était en liberté et en boucle.
Dans l'édito du numéro 837 du 2/07/2008, Val raconte que, se trouvant dans un bar du TGV, il assiste à une scène courante : une mère de famille qui claque un des ses enfants trop bruyant et
qui apparemment avait tapé son frère. D'un ton ironique, Val braque du tout au tout dès le deuxième paragraphe et le reste de son papier tourne autour de la fameuse baffe et de ses
conséquences. Véritable acte de violence barbare envers l'enfant, il en invoque le Conseil de l'Europe, la Cour Européenne des Droits de l'Homme et les psychanalystes (manquait plus qu'il déterre
Dolto et on était beau !). Mettre une claque à un enfant, c'est criminel, c'est un châtiment corporel. Et de ce constat Val déroule la vie en France, les prisons françaises, une
philosophie freudienne sur l'acte de la gifle (...), la Suède, les banlieues, Shakespeare, la mortalité infantile (en ce moment, il est gâté...), l'effet psychologique et tout ça.
Et là, pour le coup, Val m'a déçu. Pas mis en colère ou scandalisé devant un tel "laxisme" mais juste déçu. D'un pauvre gosse qui se prend une mandale, il en fait un désastre à long terme,
un crime à poursuivre, une peine de mort à rétablir. Bon, j'exagère aussi mais je le voyais un peu plus à développer un mauvais esprit sur le sujet. Je suis d'accord avec lui sur le fond : la
claque constante, la baffe pour n'importe quoi, la châtiment infligé sans raison sert plus à dresser des bêtes plutôt qu'à éduquer des hommes, chaque coup entraînant un fossé dans une relation et
un dialogue nécessaires à l'évolution vers l'âge adulte.
Maintenant ma question est : Val a-t-il des enfants ? Si c'est le cas, ce doit être un père merveilleux, un exemple à suivre et ses enfants seront des modèles d'éducation. Les premiers à
avoir grandi sans sentir rougir leurs fesses et/ou leurs joues. Mais si ce n'est pas le cas, qu'il n'a pas d'enfants, désolé mais Val est un utopiste. Et oublie une donnée dans son réquisitoire.
Hier, j'ai vu deux parents quasi à bout devant une tornade qui refusait de les écouter. La menace planante d'une fessée n'y a rien changé ainsi que les haussements de ton. Quoi qu'en dise Val, à
un moment ou un autre, une beigne qui part est une beigne qui part. Pour toute humanité que l'homme peut avoir, quand sa patience est à bout, la réponse la plus radicale est (malheureusement) la
plus violente et la moins réfléchie. Le vrai danger est une baffe sans éducation.
Mon parrain a des progénitures et ses progénitures font les conneries qui correspondent à leur classe d'âge. Je l'ai souvent entendu pousser des hurlantes à faire trembler Alagna dans
Faust et à claquer quand toutes les solutions "pacifiques" ont été deployées sans succés. Cela represente un pourcentage infime, je rassure les lecteurs les plus sensibles prêt à le
dénoncer à la police. Toujours est-il que ses enfants sont plus qu'éveillés, pratiquent mille activités et savent parler, une notion qu'on a un
peu perdue de vue ces temps-ci. Moi-même, j'ai reçu quelques torgnoles plus ou moins méritées mais toujours en dernier recours. Et je n'ai pas trop mal réussi. La preuve : j'écris un blog !
Je ne défends pas le droit à cogner ses gosses. Ce qu'ils deviennent est en grande part issu de l'image que nous leur renvoyons. Mon père m'a déjà collé des baffes, il reste mon modèle.
Comme ma mère. Parce que mon éducation n'a jamais été basée que sur les quelques gifles que j'ai pu me récolter. Et Val, en ne focalisant que sur l'aspect physique, oublie (peut-être) que ce qui
forme un être humain dépend de plus que d'une baffe.
Mais je soutiens toujours Val. Il est un des rares penseurs et vrai agitateur d'idées en France. Sauf que récemment, il m'a de nouveau déçu avec l'affaire Siné. Mais ça, une autre fois,
j'ai chaud, j'en ai marre et j'ai envie d'aller lire.
Bonne nuit...
P.S. Petite dédicace à elle se reconnaîtra => http://fr.youtube.com/watch?v=iAjMIeKAuI8&feature=related