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Cinema 25

Publié le par Buster Casey

 Brüno de Larry Charles

 Qui connaissait Sacha Baron Cohen avant Borat ? Qui connaissait Sacha Baron Cohen tout court ? Personne... en France. Seuls quelques cablés maniaques de la défunte chaîne Canal Jimmy (remplacée depuis par un homonyme de piètre facture) avait pu se régaler, il y a 10 ans au bas mot, de la diffusion en V.O.S.T. du cultissime Da Ali G Show. Ce rappeur blanc qui vivait chez sa mère animait ainsi son émission et interviewait quelques éminences politiques et scientifiques en leur posant les questions les plus connes avec un aplomb déconcertant. Le truc marche : face à un tel débile, les interviewés laissent alors aller libre cours à leur naturel et sont piégés en beauté.

 Devant le succès grandissant, Sacha Baron Cohen invente une galerie de personnage dont Borat et Brüno. Par le même principe, il dévoile la bêtise crasse de tout un chacun face à un personnage décalé. Si, pour le passage cinéma, Ali G avait bénéficié d'un vrai film (pas terrible), les deux autres créations de Cohen auront droit à une sorte de docu-fiction, plus proche de leurs origines. Et le succès impressionnant de Borat a ouvert la voie à Brüno, le fashion autrichien gay.

 Ceux qui ont aimé (ou détesté) Borat seront en terrain connu. Une vague trame scénaristique (ici, Brüno, déchu, veut redevenir célèbre à tout prix) où s'entremêle le vrai et le faux. Un mélange à ce point lié qu'il est très difficile de discerner le vrai du faux, nous demandant même si certaines séquences "brutes" ne sont pas scénarisées. Là où Borat, en mission culturelle pour son pays, relevait les coins sombres d'une Amérique raciste, belliciste et homophobe, Brüno... fait de même. Sauf que cette fois-ci, il dégomme le star-system, le charity business, les paillettes, la télévision, la mode et va gratter le vernis de l'Amérique profonde (chasseurs, militaires, religieux...) mais aussi du Moyen-Orient. En affichant un personnage ultra-gay à ses interlocuteurs, Sacha Baron Cohen parvient à nous montrer leur homophobie latente. La séquence où il campe avec trois chasseurs bien bouseux et le malaise inouï qu'il parvient à générer en déclarant "Aah, il y a tant d'étoiles dans le ciel... et de beaux mecs canons sur terre !" vaut son pesant d'or. De même que l'anthologique séquence finale dans l'arène d'un show d'Ultimate Fighting où il embrasse un autre homme devant un public qui laisse éclater une haine tétanisante.

 Car tout le génie de Sacha Baron Cohen réside dans cette ambivalence : faire rire en créant des situations à la limite du malaise et de l'embarras. Alternant entre un humour extrêmement trash (ça tape sous la ceinture et ça tape cru !), gags fendars et caméras cachées gonflées, Brüno s'adresse à un public à l'humour très très large.

 Maintenant, la logique d'un tel film peut prêter à polémique. Nous sommes face à un humour de l'extrême dont une grande partie de la "réussite" tient dans le malaise qu'il provoque. Et Brüno en contient plus que de raison. De même que d'aller chercher volontairement les pires rebuts de l'Amérique en jouant volontairement un opposé qu'ils détestent afin de montrer une homophobie terrible. On peut évidemment saluer (ou être consterné) par le courage ou l'inconscience de Sacha Baron Cohen d'aller se fourrer dans des situations suicidaires (la scène finale, le voyage en Palestine...). Et en même temps, trouver que son argument peut se rapprocher d'un Michael Moore. Appuyer là où ça fait mal en utilisant des moyens dont on sait pertinemment qu'ils vont produire ce résultat. En soi, provoquer un jury de télévision (composé de vieux) en proposant un pilote d'émission limite porno-gay et les voir s'offusquer ou avaler leur cravate peut être drôle... mais n'a rien d'étonnant. Comme d'aller développer un message raciste dans une émission télé au public exclusivement... Afro-Américain.

 Bref, Brüno se pose dans la droite lignée de Borat, ce qui est rassurant et guère étonnant. Ce film aura aussi pour but de tester votre limite humoristique. Peut-on rire de tout ? Pour Sacha Baron Cohen, la question ne se pose même pas.

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S
Tu oublis le clip de madonna : ça reste la premiere découverte grand public de ali g.Ceci mis à part, ta description de bruno m'a, au contraire, parue eloignée de borat car la ou cohen faisait rire avec l'alterité, le décalage et la difference, il semble se vautré dans la facilité de l'homophobie latente et du choc à tous prix. Non ?
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B
<br />  1. Exact, tu fais bien de le rappeler mais il est apparu dans le clip de Madonna. Ceci dit, il me semble qu'à l'époque, cela n'avait guère soulevé les foules. Sa véritable reconnaissance est<br /> venu avec Borat.<br /> <br />  2. Ce n'est que mon point de vue mais on peut effectivement voir le film sous ce prisme là. Il en découle alors une impression de "facilité" en poussant le bouchon le plus loin possible afin<br /> de faire sortir l'autre de ses gonds, tout en misant à fond sur l'homophobie latente.<br /> <br /> <br />