Dans Les Brumes Electriques #7
La glorieuse tête d'ampoule qui s'affiche
en couverture de ce numéro 7 est pas peu fière : Metallica a enfin sa une ! Bon, pour des mauvaises raisons (avec rien sous la main depuis presque quatre ans, y'en aurait-il des
bonnes ?) comme ses petits camarades antérieurs mais c'est toujours bon à prendre. Et cela permet un titre d'accroche que n'aurait pas renié l'almanach Vermot, rattrapant le débilisme animalier
de celui de Pantera. Voilà un groupe à qui on a jamais du la faire...
Ce qui est symptomatique, à la lecture du dossier du mois, c'est de voir à quel point Metallica, en 1994, commençait doucement à perdre
pied. 18 ans plus tard, c'est encore plus flagrant mais déjà, à cette époque, on sentait le groupe se laisser aller à une vie de patachon. Tournées pleines comme des huîtres, jets
privées, la tête de Lars Ulrich qui ne finissait plus de gonfler, propos assez limites (Lars traitait les gens de stupides s'ils pensaient qu'ils étaient encore un groupe de thrash) et look à
gogo... Les Four Horsemen s'engageait aveuglement dans la vie de rock stars, eux qui se maintenaient jusqu'alors hors de tout ce genre de cirque. Entre un Black Album qui avait divisé
les fans mais rameuté un paquet d'autres novices et une paresse évidente à composer, ça sentait un peu le cramé. Et, pour tout dire, leur comportement commençait à me gonfler. N'attendez donc
aucune révélation fracassante sur les six pages qui leur sont consacrées. A part un plaisir rétroactif de revoir les Mets avec les cheveux longs, on nage en plein vide
intersidéral. Et le journaliste aura beau essayer de nous appâter en nous lançant tout de go qu'on "ne peut plus se passer d'eux !", c'est surtout un besoin de tirer à la ligne qui
prévaut, histoire de raconter quelque chose. Parce que pendant l'été 94, Metallica profitait de la vie. Une tournée Shit In The Sheds, peu d'interviews, pas la queue
d'une nouvelle composition à l'horizon et pas vraiment dans le rush d'en produire. Ce qui donne des moments de grâce quand Lars affirme qu'il y a de grandes chances pour que le nouvel album soit
plus proche du précédent et que les morceaux soient plus courts... On sait ce qui est arrivé au final avec un Load rempli ras la galette. Avec le recul, on se rend surtout compte que le
groupe n'avait aucun but précis et s'en battait sévère. Résultat, on a droit à des discussions de coiffeuse autour du grunge, du temps qui passe et du futur nouvel album. Quand à Kirk Hammett, il
nous parle de sa passion des comics, nous apprend qu'il en existe un dédié à Metallica et que Paris est magique. Hé bé, six pages pour nous parler de ses vacances, effectivement,
"on ne peut plus se passer d'eux !"
Mais gardez le sourire, il y a plein d'autres choses sur quoi se pencher en ce mois d'octobre 1994. D'abord, les fiches cuisine avec
Coroner, Red Hot Chili Peppers, Alice Cooper, Metallica (oui, on en bouffe !), Bathory,
Saxon, Thin Lizzy et Lynyrd Skynyrd. L'édito rend hommage à un dénommé Christophe Aubert, guitariste dans les années 80 d'un groupe de hard-rock
français, Warning, et victime d'un accident de voiture mortel. Les news nous expliquent que le grunge, c'est plus ça ma bonne dame, avec tous ces problèmes. Pearl
Jam retarde la sortie de son troisième album et c'est la caca, c'est la cacastrophe dans les rédactions ! Plus sympathiquement, on apprenait que Môsieur Zegut allait animer une émission
sur MCM qui proposerait une petite demi-heure quotidienne de metal. Et, accrochez vos slips, l'émission passait à 17 heures (redif à minuit) ! Ouioui, 17 heures de l'après-midi ! Alors,
aujourd'hui, une telle chose relèverait du rêve mouillé de tout bon headbanger qui se respecte mais ce Blah-Blah Metal était devenu mon petit rendez-vous immanquable une fois revenu des
cours et m'a permis de remplir quelques VHS de vidéos bruitistes. VHS que je détiens toujours comme de précieuses pépites malgré une image grêlée et un son fluctuant. Quand à Zegut, il a su faire
partir l'émission en vrille autant de fois que nécessaires (c'est-à-dire à peu près tout le temps) en chroniquant des disques, en lançant des clips ou en interviewant des vedettes sur leurs goûts
électriques (mention spéciale à Marc Lavoine qui s'était acquitté de la tâche avec sérieux, passion et respect). Et, entre nous, voir le Stinkfist de Tool à 17h15, un
après-midi de la semaine sur une chaîne musicale, ça n'avait pas de prix. Trouvez ça aujourd'hui, je vous vends ma CDthéque pour un euro !
Retour papier, Zegut toujours mais qui nous cause de la future sortie de Leon de Luc Besson dans les salles et nous analyse
la violence au cinéma. Oui, et sinon ? Lynyrd Skynyrd et Peace, Love and Pitbulls. Le Yin et le Yang musical, en gros... La page d'après, on apprend que si
on s'abonne, non seulement on économise 100 Francs (tudieu...) mais qu'on pouvait gagner soit le bandana authentique de Mike Muir importé des USA (le bandana, hein...) ou le maxi collector limité
dans sa pochette en forme de médiator de Doug Aldrich (ha ha ha derechef !). Et dire que je ne me suis jamais abonné...
Niveau courrier des lecteurs, on remarque le retour de Mickey (et non plus Mittey), The Metal Boy qui nous torche écrit une jolie lettre sur la rentrée et la difficulté d'être un enfant battu (véridique !). Une difficulté qui le pousse à écrire "tu repars
sur le chemin boueux que, depuis la plus tendre enfance, tu empreintes." Encore un qui va laisser sa marque (non, laissez, elle est pour moi !). Frédéric R. s'insurge que les fans de
metal actuels (cad en 94, resituez dans le temps) soient trop jeunes et ne connaissent de Metallica que le Black Album et pas Kill'Em All. Bref, que tous ces
tocards de 14 ans prennent le train en marche, relayés par la presse metal qui ne parlent que de grunge, Metallica ou Guns'N Roses. Et, du haut de sa
condescendance, il nous offre une cure de ce qu'il faut écouter (en citant Spin Doctors, Pearl Jam et RATM... Il aurait pas pris le train en
marche, lui ?). Réponse "insurgée" de HnH qui se demande pourquoi on aurait besoin d'écouter un groupe depuis ses débuts, que le nombre d'albums vendus ne parle pas au nom de l'intégrité
du groupe et que, oui, la presse a besoin de manger. Et on termine avec Stoned Bumblebee qui trouve qu'Aerosmith sort trop d'albums. T'as pas perdu un timbre, coco !
And Justice For All reçoit Suicidal Tendencies, avec un Mike Muir à la barre. Dois-je me répéter ? Dois-je répéter à quel point
S.T. est un groupe extraordinaire, sans compromis, incorruptible et gnégnégné ? Non, Mike le dit très bien à ma place. Son seul défaut ? Être trop gentil ! C'est sûr, la
canonisation ne saurait tarder... Bon vu que le groupe se paye sa troisième interview (oui, je compte Infectious Grooves, c'est la même engeance), on tourne un peu en rond niveau
textes : et on est les meilleurs, et RATM c'est des gros nuls, et moi je suis un vrai dur, et je dis la vérité mais faut pas tout prendre au pied de la lettre... Seule sa tirade
bien fourbe sur le music business sort un peu des sentiers battus. Pour le reste, on radote ! Dois-je ajouter que cela finira par être préjudiciable au groupe ?
Au rayon interviews, on retrouve du beau linge. Les p'tits gars de Bad Religion, le groupe de punk-pop le plus intéressant et le plus engagé
de sa génération, et tout ça avec des looks d'éternels étudiants (ils existent depuis le début des 80's). Against The Grain, No Control, Recipe For Hate... Voilà de
quoi faire vos lettres si le désert musical vous guette. Bathory nous annonce la sortie du futur Requiem que son leader Quorthon nous promet comme "le truc le
plus violent et le plus rapide (...) jamais entendu." On peut lui faire confiance même s'il ne pourra pas faire pire que son premier album éponyme sorti en 1984. Mordred
bouffe aujourd'hui les pissenlits par la racine et ce n'est qu'injustice. Peut-être que cette fusion hyper burnée, faite de gros riffs et de scratch était trop en avance sur son temps ? Ou les
difficultés constantes du groupe à trouver un bon label américain ? Beaucoup de talent gâché, en tout cas. Angra nous emmerde (déjà) avec des interviews qui nous cause
musique classique, Schubert, Vivaldi... Un coté premier de la classe gonflant mais qui aura ses adeptes chez les branleurs de manche. Hoax enrichit de sa présence le cimetière
des groupes français qui y ont cru pendant un temps. Vous pensez : une tournée dans l'ancien bloc de l'est avec M.O.D. et on tire des plans sur la comète. Metal
Church est titré "Le bout du tunnel", ce qui fut un peu présomptueux. En général, quand on voit un tunnel, il ne faut jamais aller vers la lumière... Enfin, chacun fait ce qu'il
veut... Et en parlant de mort-vivant, nous bouclions les news avec Mercyful Fate et son King Diamond de leader et sa voix de fausset qui m'a toujours fait grincer des dents. Il
se dit "confiant pour la suite des événements." Il aurait dû dire "patient".
Dans les gros morceaux, X. Bonnet perd son temps avec Jackyl qui s'acharne à nous persuader qu'il est un groupe valable. Manque de bol, passé
le solo de tronçonneuse sur The Lumberjack, l'Europe s'est vite lassé de ce clone d'AC/DC. Great White, Ted Nugent, Freak Of
Nature, Manic Eden, Whitesnake... HnH a fait un détour à l'hospice ? Paradise Lost ne nous apprend rien de transcendant...
sauf qu'ils bossent sur le successeur du mortel Icon et nous sommes tous bien loin de nous imaginer le pavé qu'ils vont nous lâcher dans les dents l'année prochaine. Et revoir toute la
troupe avec les cheveux longs n'a pas de prix. Faith No More nous explique pendant trois pages pourquoi ils ont viré leur hirsute et historique guitariste Jim Martin. On se dit
que ça fait beaucoup et après lecture, on se dit qu'on a raison. A part touiller des rancunes froides, l'article nous donne aussi le nom du nouveau gratteur (qui sera viré quelques semaines
après) et que le nouvel album sera plus heavy. Ah bon ? King For A Day ? Plus heavy ? Z'étaient aussi paumés que Metallica, les gars... On retrouve aussi Dream
Theater pour la sortie de leur troisième méfait, Awake, assez fébrile et se demandant si le succès de Images And Words va se poursuivre. Pour les fans, Mike
Portnoy n'avait pas encore la barbichette multicolore. Pantera décroche son troisième article en sept numéros pour une énieme réunion tupperware. Y'a pas, le groupe avait la
côte.
La saga du hard-rock termine l'histoire de Deep Purple qui, en 1994, virait un peu à l'eau de boudin avec un The Battle Rages On
indécis. Eeeeet voici les skeudz !! Du beau, du lourd, du plaqué brut ! Slayer décroche le maillot jaune avec son Divine Intervention qui fut au pied de mon petit sapin
à la fin d'année 94. Le dernier vrai brulot thrash de leur géniteur avant quelques essais moins inspirés et le retour de l'enfant maudit à la batterie, Dave Lombardo. Un mix mortel entre titres
alambiqués et charges de buffles qui passe très bien l'épreuve du temps. L'essayer, c'est l'adopter ! Petit plus non négligeable, le groupe nous offre à l'intérieur du boitier cristal du cd la
photo d'un fan s'étant scarifié Slayer sur son avant-bras. Les petits garnements ! L'excellentissime album-hommage à Black Sabbath, Nativity In
Black, décroche un 4 étoiles mérité. Respectueux et moderne, l'alchimie parfaite ! The Almighty ne rate pas sa mention très bien avec son radical Crank.
Mordred sort son album avec 10 ans d'avance, un The Next Room compact et percutant. Dommage pour eux mais 4 sur 5 facile. Queensrÿche sort un
Promised Land sous Xanax pendant qu'Ice T met son posse Body "M/F" Count sur orbite avec un Born Dead violent comme un
témoignange de la rue. Le son fait un peu casserole mais la rage et l'intégrité sont là. Comme quoi, même en venant du "hood", le père Ice savait faire parler la poudre.
Annihilator décroche un beau 4 pour son Bag Of Tricks. Il faudra que je me penche sur ce groupe un de ces quatre. Dream Theater a juste la moyenne,
faute à une technicité envahissante bouffant le concept de chanson. Testament est en transition avec un Low (4/5) que je n'ai jamais compris et encore moins retenu.
Fudge Tunnel délivrait à un public effaré devant un tel nihilisme sonore un Complicated Futility Of Ignorance pétrifiant de larsen et de dégoût. Mon album de chevet
encore aujourd'hui mais derniere salve pour le groupe qui décida de se séparer alors que le succès leur ouvrait enfin les bras. Comme conseillé précédemment, si votre désert musical est
trop vaste...
En vrac, on retrouve Bad Religion et son Stranger Than Fiction (3/5), Front Line Assembly et un Millenium
(3/5) qui a dû servir de copie carbone à 3287 autres groupes indus, Buzzov.en et Sore qui faisait déjà du metal "physique" (avec scarifications sur scène) et
Downset. qui s'était arraché un tube avec son Anger hurlé à pleins poumons. Impossible de pas se le bouffer à la radio entre RATM et
Nirvana et si on ne peut pas accuser le groupe d'opportunisme, le carton des premiers a pas mal servi de tremplin... pour se vautrer plus tard, vous avez raison ! Maintenant, si
quelqu'un a un jour compris la sentence baragouinée ad nauseam en intro, qu'il me laisse un message.
Mais il faut rester honnête, tous ces albums, aussi honorables et réussis soient-ils, ne valaient pas tripette devant l'énorme claque qu'administra
Killing Joke et son (remplir le blanc avec la métaphore exagérée de votre choix)
Pandemonium. Un Hiroshima musical doublé d'une réelle révolution dans le paysage metal (écoutez ces chansons et osez dire que Rammstein ne les a pas pompé !) qui
retourna la tronche de votre serviteur dans tous les sens pour un disque gavé de tubes, d'idées, de sons, d'émotions, de violence, nanti d'une production réglée au poil de cul (plus et c'est
l'explosion sonique) et la prise de conscience d'une évidence : la musique est une drogue et Killing Joke, c'était de la bonne !
Je passe le reste (Mercyful Fate, Helloween, Whitesnake...), ce n'est plus que de la pietaille devant
l'insolence géniale de Jaz Coleman et ses sbires. Une petite pensée pour Edge Of Sanity qui sortait un Purgatory Afterglow fort recommandable, bien des années avant
qu'on nous gonfle avec la scène de Göteborg. Tout était déjà là, ne manquait que le public qui, d'évidence, avait la tête ailleurs...
Le song book est réservé à RATM et son tubesque Killing In The Name où l'on se rend compte que cinq phrases constituent tout le
corps de la chanson. On apprend par la répétition, je l'ai toujours dit. On peut dire ce qu'on veut sur leur engagement (Aaaahh, Mike Muir, sors de ce corps !) et leur préchi-précha, ils avaient
quand même des chansons qui bottaient le cul. La ligne de basse, le "Fuck you, I won't do tralala" qu'on scandait tous en boite, les soli d'extraterrestres... Tout cela a sauvé leur coté
père-la-rigueur qui était franchement casse-bonbons. Quant à la tablature en elle-même, c'est un vrai désordre !
Surprise, pas de guitare testée ce mois-ci (j'en vois qui sont déçus) mais toujours quatre définitions indispensables pour briller en société
bien-pensante, on va arroser les haricots et c'est emballé.
La suite au prochain numéro...
(je ne dis rien, j'adore cette chanson en plus...)
(Non, vraiment, si vous percutez ce qu'il dit au début, écrivez-moi...)
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