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Elle est belle...

Publié le par Buster Casey

 On peut être dépressif, mal dans ses pompes, cinévore, baver d'envie devant un Tee-Shirt de Dilinger Escape Plan, perdre les eaux en écoutant l'album du-dit Dilinger, détester son boulot de plus en plus chaque jour, perdre confiance en soi quand on essaye d'établir un projet d'avenir, regarder son coeur pour voir s'il reste un petit quelque chose au fond et rester un grand romantique.

 Oui oui, vous avez bien lu. Le problème de ce mot aujourd'hui est qu'il a été tellement galvaudé que dès que vous prononcez le mot "romantique", vous assimilez à (dans le désordre) "nunuche", "niais", "ringard", "Barbara Cartland", "comédies américaines", "rose frou-frou" et "identité sexuelle floue". En même temps, dans l'esprit féminin (oui, le précédent était masculin mais vous l'aviez deviné tout seul...), ce mot sous-entend "dévotion", "amour éternel", "soupirs langoureux", "pas de sexe", "fleurs tous les jours", "tu regardes personne d'autres et surtout pas cette petite pute là-bas !", etc...

 Bref, tout ça pour dire que je ne sais plus trop où caser mon romantisme en ce moment. Et surtout que je m'interroge sur son utilité, voire son existence. Quand on vit un célibat long et qui alterne entre des phases calmes et des moments plus pénibles, on finit par se retourner en soi et à inspecter son intérieur. Vous vous remémorez alors, dans vos vieilles archives parce que vous gardez tout, les looongues discussions sur l'amour, les conseils, LA fille, les rêves, les fantasmes, les astuces, les non-dits qu'il faudrait ou qu'il aurait fallu dire, celle qui arrivera quand on s'y attend pas, les encouragements, les trucs et les machins... Vous comparez alors ces discussions avec d'autres, plus anciennes encore ou plus récentes. HO MON GOD !!! Ce sont les mêmes, au mot près, aux conseils près, aux astuces près, aux non-dits près, aux trucs et machins près. Emballé par votre découverte, vous continuez et vous tombez sur votre date de naissance... et c'est la catatonie !

 Tout pourrait être signe d'abandon. Votre timidité, votre gaucherie, votre alternance étrange entre l'huître introvertie et un sketch de Jean-Marie Bigard, votre chape de plomb, votre besoin de contrôle permanent, vos idéaux d'un autre âge... Vous êtes un jeune homme perturbé, vous le savez. Les émotions vous font mal, elles vous secouent trop fort et vous les gérez avec peine. Mais vous en redemandez, comme une drogue. Vous tentez de vous sevrer, de vous éloigner de ces relations qui vous blessent plus qu'elles ne vous soignent. Mais vous en redemandez encore. Vous avez compris que c'est la base de votre souffrance, cet amas d'émotions que vous ne parvenez pas à trier, à comprendre, à quantifier correctement. Vous prenez tout avec une même importance, sans échelle de valeurs et vous vous débordez comme un grand. Mais vous en redemandez toujours, espérant qu'à un moment vous trouverez une solution et que l'énigme se résoudra enfin. Une pancarte, une carte, un chemin à suivre... Un parcours fléché, un guide bienveillant... Un doigt sûr qui pointe une direction...

 Tout est signe d'abandon. Cette incapacité à vous décider, cette peur au ventre qui ne se décolle jamais quand vous devez faire face, votre projection dans l'avenir forcement sombre, votre poisse. Regarder un film, écouter un disque, lire un livre sont les petites doses de sensations que vous vous injectez quotidiennement. Cela vous permet de ressentir à un niveau contrôlable, de vous emballer sur quelque chose de guère important. Une oeuvre d'art a une logique propre et continue, elle ne se modifie pas, ne donne pas lieu à des variations de caractère. Vous pouvez la prendre selon des angles différents, vous garderez toujours la main. L'univers culturel est soumis à des variables supportables. Ses émotions vous transportent à des niveaux raisonnables, quantifiables. Des niveaux qui ne vous brûleront pas la peau, ne vous casseront pas la mécanique interne, ne vous foutront pas en l'air les neurones. Ces niveaux ne briseront pas l'organe rafistolé qui vous sert de coeur. Mais vous en redemandez, comme une drogue, car vous ressentez ce que les produits de synthèse ne pourront pas vous faire ressentir. Quitte à y laisser votre santé.

 Tout est signe d'abandon. Votre propension aberrante à attendre "le bon moment", votre contre-temps involontaire, votre idée de vous-même. Vous somatisez parce que vous ne voulez rien lâcher, parce que, au fur et à mesure que le temps passe, vous considérez que vous devez en avoir plus, obligatoirement plus, que cela n'est que justice, une juste rétribution à vos souffrances auto-infligées. Vous êtes borné, entêté, vous vous rendez malade. Vous développez votre paradoxe : vous ne vous aimez pas mais vous avez une haute estime de vous-même. Vous ne supportez pas la remise en question par autrui, les critiques, les remarques... parce qu'elles vous sont justes et connues. Vous souffrez. Vous faites tout pour être pudique mais vous devez en parler, vous n'arrivez pas à serrer les dents. D'une manière ou d'une autre, il faut que cela sorte. Vous souffrez et vous n'y voyez pas de fin.

 Abandonner. C'est votre leimotiv. Une bonne fois pour toute, tirer la corde et laisser le reste de l'humanité où elle se trouve. Mais vous n'y arrivez pas. Parce que vous vous accrochez à l'espoir, à l'inconnu qui apporte tout et son contraire. Vous vous accrochez à vos émotions, vos démons si bienveillants. Vous vous accrochez à votre romantisme transparent.

 La vie vous a montré que rien ne marche. Que tout n'est que compromis, qu'il faut savoir lâcher du lest. Qu'il faut très souvent abandonner l'amour pour de l'affection. Vous vous rendez compte que tout le monde autour de vous souffre mais à des degrés différents. Que certains feraient n'importe quoi pour faire taire cette douleur qui leur vrille le coeur. Vous en voyez qui se dessèche, qui se minéralise, qui devienne pire que l'image qu'ils pensent se donner. Vous voyez des gens se draper dans des mensonges éhontés, s'oublier pour ne plus supporter leur état. Vous vous rendez compte que vous n'êtes pas seuls mais ça ne vous rassure pas pour autant. Autour de vous, les couples ont perdu de leur perfection, de leur bonheur si enviable, de leurs sourires si sincères. Souvent, la façade est plus résistante que la vérité qu'elle cache et c'est ce qui permet à ces gens de pouvoir vivre ensemble. Vous n'en êtes pas plus fier pour autant.

 Tout est signe d'abandon. Ces baisers, ces "chéris", ces soupirs, ces petits compromis quotidiens qui érodent le tableau initial. Ces petits compromis qu'on accepte de faire pour l'autre, qu'on accepte pour le couple, qui prouvent qu'on est gentil, ouvert, adorable... C'est si simple. Vous le savez, vous en avez faits. Parce que ses yeux le demandaient, parce que vous étiez amoureux, parce que le contact de sa peau était tellement agréable pour vous. Vous avez appris à vous calmer, à moins ruer dans les brancards. Vous avez appris à être gentil, ouvert, adorable... Aujourd'hui, vous avez la sensation de vous être trahi mais vous ne savez plus de quoi. Vous êtes confus, troublé, désorienté. Paniqué et touché qu'une femme ait pu voir en vous et être attiré par vous. Et cette expérience, aussi intense fut-elle, vous fait croire désormais que tout est possible. Mais surtout, vous vous voudriez redevenir cette personne-là parce que c'était une des rares fois dans votre vie où vous vous sentiez à l'aise.

 Tout n'est qu'abandon. Votre malaise au travail, votre incapacité à perdurer une victoire, une relation, votre incapacité à tirer un trait, votre obsession malsaine sur le passé, votre putain d'espoir... Parce qu'au fond, vous espérez. Vous espérez qu'on vous prendra au sérieux, vous espérez avoir le dernier mot une bonne fois pour toute.
 Vous espérez devenir intelligent, dans l'immensité que contient ce terme.
 Vous espérez guérir.
 Vous espérez pouvoir balayer cette noirceur.
 Vous espérez que les gens continueront à vous aimer malgré ça.
 Vous espérez ne pas vous trahir.
 Vous espérez le détachement de vos émotions.
 Vous voulez être tout et rien à la fois.
 Vous voulez que ça s'arrête mais en redemandez toujours plus.
 Vous voulez toucher l'idéal, atteindre l'impossible perfection.
 Vous voulez qu'elle vous aime...

 Tout n'est qu'abandon ?

Commenter cet article
H
<br /> Je suis tombée sur ton texte grâce à Thé Citron. J'ai adoré. Tu décris avec perfection la difficulté d'être soi tout en étant un couple. J'ai eu l'impression de lire tout ce que je peux ressentir<br /> parfois, voire même tout le temps. Alors merci, tu l'exprimes bien mieux que je n'aurais pu le faire.<br /> <br /> <br />
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B
<br /> Merci à toi et bienvenue sur mon modeste blog<br /> <br /> <br />
T
<br /> Ah ben c'est cool, je l'attends de pied ferme alors!<br /> J'ai vraiment bien aimé celui-ci quand même. Même s'il est un peu triste, déjà rien que le fait de constater certains trucs peut aider à avancer, je crois!<br /> <br /> <br />
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T
<br /> Une suite à l'article?<br /> <br /> <br />
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B
<br /> Yep...<br /> <br /> <br />
T
<br /> Juste : pfiou.<br /> J'voudrai dire des tas de trucs mais en même temps non.<br /> Il est hyper touchant ton article. Tu donnes envie qu'on t'écoute des heures et des heures, qu'on te rassure, qu'on te console, qu'on te fasse rire et pleurer, qu'on te fasse sortir tout ça de vive<br /> voix, qu'on te pose des questions, qu'on te prenne dans les bras, qu'on t'aide à ne pas abandonner finalement.<br /> La vie a plein de choses à t'offrir. Parfois le négatif peut déboucher sur du positif. C'est pas facile à concevoir mais ça peut arriver.<br /> Rho, j'aurais vraiment des tas de trucs à dire, sur chaque paragraphe mais ça serait trop long.<br /> <br /> <br />
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B
<br /> La suite arrive...<br /> <br /> <br />