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Adaptation

Publié le par Buster Casey

 Comme je suis en vacances et que je déteste la plage (je préfère les piscines privées à St-Trop', c'est plus sélect...), je me suis livré à une séance de visionnage de DVD. Et l'heureux élu fut Le Dahlia Noir de Brian de Palma. A la sortie du film (quand je dis "sortie", ça correspond à aller de ma chambre au frigo, pas la sortie cinéma), la question de l'adaptation d'un livre à l'écran s'est posée.

 Nous le savons tous désormais, le cinéma hollywoodien (et même international) est en panne de scénario. Suites et adaptations de livres souvent même pas finis d'être écrits sont devenus le nouveau terreau du cinéma. Les scénarii "originaux" se font de plus en plus rares et souvent de moins en moins... originaux. Paradoxe étrange, c'est à la télévision (étrangère, hein... Je ne parle pas de la télé française à la traîne comme c'est pas permis) que l'audace survient à travers des concepts assez fabuleux : 24 et son unité de temps, Lost et son huis clos oppressant en pleine jungle, Les Sopranos, Heroes et son renouvellement du super-héros... Bref, pour le curieux, la télé est le nouveau sésame allume-toi.

 Tout ça pour en revenir à l'adaptation du Dahlia Noir et de l'adaptation en général. Bienheureux ceux qui n'ont pas lu le livre adapté (mais qui lit encore ? Sauf à la plage, c'est-à-dire 1 semaine par an ?) car ils auront toujours la sensation d'avoir vu un bon film. Le travail d'adaptation du papier à l'écran est un travail titanesque. Que garder ? Que faut-il enlever qui ne soit pas nécessaire au récit sans pour autant l'handicaper ? Comment faire passer une narration cinématographique dans un récit raconté à la première personne ? Autant de question que se posent réalisateur (impliqué) et scénariste (migraineux).

 Adapter un livre à la lettre serait la solution la plus simple et aussi la moins risqué artistiquement. Prenez Harry Potter 1. Vous avez là l'adaptation la plus plan-plan qui soit tant elle est fidèle au livre. En même temps, son écriture est un bonheur d'adaptation : l'histoire coule d'elle-même et est un véritable scénario à lui seul. Beaucoup de livres aujourd'hui ont cette "écriture cinématographique", une puissance d'évocation d'images telles que nous les voyons tous les jours dans les films récents. Écriture qui rend d'autant plus incompréhensible certaines adaptations "évidentes" : Les Rivières Pourpres (film), dont le livre n'avait qu'à être suivi tel quel en arrangeant quelques détails, décide d'un parti-pris qui met le long métrage dedans. Une moitié de film assez fidèle au roman, puis l'histoire bifurque complètement ailleurs sans arriver à se raccorder à son pitch de départ pour finalement essayer de retomber sur ses pieds en reprenant (à moitié) la révélation du livre. Au bout du bout, un résultat qui part en vrille et qui se rate en beauté de façon incompréhensible. Reste une oeuvre intéressante mais bancale si on omet le bouquin (mais alors, vous l'oubliez grave !) et un making-of sur l'édition DVD où toute l'équipe avoue n'avoir rien compris à l'histoire dès le départ . Forcément, avec une pareille bande de champions... Personnellement, je n'ai pas été noyé par le livre et ai trouvé son histoire complexe, certes, mais passionnante.

 Et c'est le même problème qui a lieu avec le Dahlia Noir. Attention néanmoins, James Ellroy est réputé, à juste titre, être un auteur inadaptable. Pour cause : une moitié de ses romans suffiraient à produire 10 films. Beaucoup s'y sont cassés les dents. Cop manque très largement la mythologie Lloyd Hopkins en enlevant une grande partie de la folie furieuse du roman original malgré une interprétation survoltée de James Woods dans le rôle principal. L.A. Confidential reste une pépite du genre puisque le film parvient, en sabrant la moitié de l'intrigue et en modifiant grandement la fin, à garder tout l'esprit du livre et une intrigue complexe mais limpide. Kevin Spacey est un peu sacrifié par rapport à son personnage de papier mais le film reste un des meilleurs polars réalisés (avec une fusillade remarquablement mise en scène).

 Sur ces bons auspices, la mise en images du Dahlia par Brian de Palma filait la bave aux lèvres. Compte tenu du succès artistique de L.A. Confidential, on pouvait fantasmer dur. Et au final, le résultat récupère les mêmes tares que Les Rivières Pourpres, à savoir coller au début de l'intrigue et la chambouler par la suite pour essayer de recoller au mieux au final du livre. Si vous n'avez jamais lu le livre, ce film vous paraitra très bon. De Palma déploie sa mise en scène avec classe et son art du découpage et du ralenti fait ici encore merveille. Le scénario est complexe, les rebondissements nombreux (à la fin) et la morale en ressort sévèrement entachée. Le casting est plus problématique, certains acteurs ne semblant pas à leur place (Josh Harnett qui fait ce qu'il peut mais trop vert pour ce rôle ; Aaron Eckhart qui en fait des caisses ; Scarlett Johansson un peu à coté de la plaque ; Hilary Swank passe bien mais sans plus...). De plus, de Palma ne peut s'empêcher de verser dans le baroque, ce qui rend certains moments assez ridicules (le climax dans la villa avec la mère, si vous arrivez à ne pas rire appelez-moi). Enfin, d'évidence empêtré dans une histoire dont le scénariste n'a pas su faire le tri, le film s'embrouille et se vautre dans une séquence de révélations confuses. Reste des moments d'une rare crudité et les jolis seins fugaces de l'actrice Mia Kirshner (oui, pour moi, c'est un plus !).

 Bref, bel objet formel au fond cafouilleux mais à des lustres du roman originel. L'adaptation réussie de ce monument de la litterature n'est pas pour cette fois. Pour ce qui est du livre, je vous en parlerai une autre fois.

 Bonne journée...

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