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Cinéma 15

Publié le par Buster Casey

 
 Watchmen de Zack Snyder

 Et le projet le plus casse-gueule de l'année est...
 Paru dans les années 80, la BD Watchmen, oeuvre conjointe du dessinateur Dave Gibbons et de l'allumé total Alan Moore, est un monument littéraire. Autant couper court à toute divagation critique superflue, lire les Watchmen est une expérience proche de la mandale sauvage telle que vous en recevrez que peu de fois dans votre vie. Alliant avec une maestria rare le comics, les super-héros, la politique, la philosophie, l'histoire, la psychanalyse, Freud, Lacan, la religion et j'en passe, le tout mené dans une réflexion rare et d'une profondeur vertigineuse, ce chef-d'oeuvre total vous rappellera violemment que la bande dessinée est bien un art à part entière et peut sans rougir se comparer à des monuments séniles du genre.

 L'occasion faisant le larron, le succès des films de super-héros au cinéma ne pouvait décemment pas laisser quelques producteurs avides avec le chéquier inerte. Flairant l'énorme aura culte dans lequel baignait ce monument, l'idée de l'adapter au cinéma germa très vite, l'achat des droits le fut tout aussi vite... et le développement fut un enfer. Comment porter à l'écran un pavé inadaptable avec une narration claire, sans négliger les enjeux de l'histoire ni leurs portées et sans faire exploser tous les budgets ? La valse incessante des réalisateurs jetant l'éponge ne laissait aucun doute : le portage ne se ferait pas ou alors ce sera une merde. Terry Gilliam out, Paul Greengrass abandonnant l'affaire au bout de quelques mois de pré-production, le studio initial qui finit par revendre les droits à un autre studio... Tout concourrait au projet maudit. Et quand Zack Snyder se dit intéressé au projet et qu'il fut choisit comme le futur réalisateur des Watchmen, tout le monde (les geeks, en fait) enterrait déjà le film sous une tonne de fumier.

 Bref, la connerie à son plus haut niveau venait de frapper une nouvelle fois. Comme Rob Zombie dont le remake d'Halloween était conspué par tous les branleurs du net sous prétexte d'un scénario ayant filtré sur la toile et n'ayant pas plu aux "fans" (on croit rêver !!!) avant que ceux-ci ravalent leur cravate et s'étouffent dans leur mauvaise foi tant le film de Rob la met à sec à l'original, Snyder essuie la bile de quelques gardiens du temple débiles et compassés. Oui, il vient du clip et de la pub. Oui, ses films sont très axés sur la technique et il ne s'en cache pas, il travaille la forme comme un gros dingue. Oui, la violence le fascine. Non, L'Armée Des Morts n'est pas une merde parce que le film original de Romero il est trop mieux. Non, 300 n'est pas une merde parce que la BD de Frank Miller elle est trop au top. Non, Snyder n'est pas un gros formaliste qui n'a rien à dire. Parce que ce type a des couilles.

 Et il en faut pour tenir tête à ses producteurs et refuser des idées jeunistes ou oser ne pas changer un iota de l'esprit de la BD. Snyder a misé sur l'intelligence de ses spectateurs. Mal lui en a pris pour le succès du film (l'intensité narrative et l'appel à la culture la plus élémentaire aura tôt fait de larguer la frange jeune tektonik et les apôtres du film fast-food, en gros le public Besson) mais bien lui en a pris pour la réussite de son film. Watchmen est une oeuvre qui, à l'instar de Blade Runner ou des Fils De L'Homme, ne découvrira son vrai potentiel que dans plusieurs années. Et c'est là tout le courage de son réalisateur de ne pas avoir cédé aux sirènes de l'immédiat. De même que d'avoir choisi un casting d'inconnus collant parfaitement à leur rôle.

 En tant que tel, Watchmen est une somme de cinéma. Tous les aspects philosophiques, existentiels et maussades de la BD sont fidèlement retranscrits. Snyder n'a fait de concessions sur peu de choses, livrant 2h46 d'un cinéma exigeant, outrancier, réflexif, malade, violent, sexuel et incroyablement iconique. La über réalisation froissera les plus rétifs à ce genre de patte visuelle mais c'est peu de choses comparé à la torgnole cinéma que vous allez vous prendre. Des dérives extrémistes de Rorsach à la magnifique histoire de Docteur Manhattan (si vous ne pleurez pas, vous êtes à coté du film et vous pouvez sortir de la salle !), de la renaissance en tant qu'homme du Hibou à l'ambivalence malsaine du Comédien (représentant héroïque de l'Amérique ! Tout un symbole !), de la mégalomanie d'Ozymandias au complexe freudien du Spectre Soyeux, vous serez ballotté au gré de mille et une histoires, mille et une idées jusqu'au final terrassant dont l'ampleur passe en général au dessus de la tête de la majorité. Faute ici au film de ne pas délivrer ses enjeux de façon claire là ou le comic marquait à ce moment une dernière désespérance démente.

 Inutile pour moi d'écrire 15 pages enflammées en petits caractères pour vous inciter à aller voir ce film. Car il y a fort à parier que la campagne pub et les piteuses interviews n'auront fait qu'entériner une moisson d'idées fausses sur ce monstrueux film. Mais si vous ne voulez pas mourir bête, payez votre séance et tentez l'expérience : Watchmen ne vous laissera pas indifférent (ou alors vous êtes déjà mort !)

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S
Doit on en conclure que tu as aimé ?
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